TOBACOSTOP Ι Nicolas Vauquelin Ι L'histoire du tabagisme

LA PETITE HISTOIRE DU TABAGISME
ou de ses thuriféraire

Des fouilles ont révélé que déjà au VIIe siècle avant J. C. un roi assyrien, peint sur un cylindre, fumait par un tuyau la fumée d'un petit fourneau rond. Sur des osselets d'Herculanum (détruite par le Vésuve en 79 après J. C.) des peintures sur osselets nous montrent des femmes fumant la pipe. Ou encore, un bas-relief de Palenque datant du VIe siècle, au Mexique, représente un prêtre maya fumant lui aussi la pipe.

Si la fumée a toujours attiré l'homme, que ce soit lors des rituels religieux de la Pythie ou des druides, ou lors des thérapeutiques à base de fumigation, comme chez les Grecs anciens pour combattre la toux, le tabac pour sa part semble bien être utilisé pour lui-même aux Amériques depuis plus de 1 000 ans.

Mais il a fallu le concours de Christophe Colomb¹pour qu'il pénètre en Europe, en 1498. C'est à Cuba qu'il rencontra les "Indiens", fumeurs de tabac enroulé dans une feuille ou fumeurs de pipe dans les grandes occasions. De nombreux marins de la "Pinta" rapportèrent ainsi de retour en Espagne de ces feuilles de tabac, ouvrant la voie d'une nouvelle mode qui ne fit dès lors que s'amplifier.

Si André Thévet² d'Angoulême affirma en 1575 être le premier à avoir introduit le tabac en France, le nommant au passage "angoumoisine", des matelots ne l'avaient pourtant pas attendu pour cela, et c'est en fait Jean Nicot³ , qui vers 1570 parvint à donner son nom à la plante du tabac, la Nicotiana, consacrée dans le dictionnaire d'Étienne et Thierry en 1584 en ces termes : « Herbe de merveilleuse vertu contre toutes les plaies, ulcères, noli me tangere⁴, dartres et autres telles choses que M. Jean Nicot, étant ambassadeur pour le roi au Portugal, envoya en France et dont elle prit le nom. »
Il faut préciser que le succès de Jean Nicot et de sa Nicotiana était dû à ses vertus thérapeutiques qui ont permises la reine-mère Catherine de Médicis de soulager ses nausées. Après cet épisode Jean Nicot s'est d'ailleurs totalement désintéressé du tabac.

Néanmoins l'usage du tabac s'est répandu rapidement. De 1561 à 1593 ce sont l'Italie, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Autriche, puis la Turquie, le Japon, la Corée, la Chine, et enfin le Maroc et le continent africain qui découvrent les vertus du tabac.
Ces vertus mises en avant jusqu'au XVIIe siècle sont cependant les vertus thérapeutiques. C'est ainsi qu'à cette époque en Angleterre les écoliers emmènent dans leur sac une pipe bourrée, pour le petit déjeuner, auxquels leur maître se fait un plaisir de montrer comment bien la tenir. D'où l'origine de la chanson enfantine : « J'ai du bon tabac dans ma tabatière... »

Pendant ce temps à Versailles Jean Bart⁵ fume sa pipe, les soldat militaires chiquent, et les aristocrates prisent élégamment.

Mais ce n'est qu'au XIXe siècle que le phénomène prend de l'ampleur. Vers 1830 naît la cigarette, qui se répand si rapidement que dès 1868 se crée l'Association française contre l'abus du tabac.

Ainsi, en 1789, la consommation annuelle par individu était de 228 g.
En 1889, elle était de 810 g.
En 1989, elle était de plus de 2 kg.

D'après Le Tabagisme⁶, de Jean-François Lemaire.

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¹ Christophe Colomb (1451-1506) extrait du Journal de navigation, journée du 28 octobre 1492.

² André Thévet (1503-1592) moine cordelier et voyageur français, Cosmographie universelle, 1575.

³ Jean Nicot (1530-1600) seigneur de Villemain, diplomate et érudit français.

⁴ Noli me tangere « ne me touche pas » : dermatose prurigineuse qu'il ne fallait pas gratter.

⁵ Jean Bart (1650-1702) marin français au service de Louis XIV, qui remporta, comme corsaire, de nombreux succès sur les Hollandais et les Anglais.

⁶ Jean-François Lemaire : Le Tabagisme, Puf, Presses universitaires de France, collection Que sais-je ? 1er mai 1997.